lundi 8 août 2016

Le 08/08/2016

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Analyse de l'ouvrage Le convivialisme en dix questions


Que ce soit en France, en Europe ou ailleurs, la vision de la population vis-à-vis des programmes politiques mis en place s'avère de plus en plus être pessimiste. Entre incompréhension, désaccord et nihilisme, une partie d'entre elles finit par être lassée au point de ne plus comprendre le rôle de l'Etat. C'est dans ce contexte que de nouveaux idéaux politiques ont été pensés au cours de ces dernières années. L'un d'eux se nomme le convivialisme. Traité dans sa globalité par de nombreux économistes dans la thèse Pour un manifeste du convivialisme, il a été retranscrit dans d'autres ouvrages. Récemment paru en librairie, Le convivialisme en dix questions d'Alain Caillé semble être un bon résumé de la pensée convivialiste. 


 "S'opposer sans se massacrer", "lutter contre son désir de toute puissance", voici les expressions typiques de la pensée convivialiste. Défini sous plusieurs angles à travers cette oeuvre, le convivialisme apparaît comme un imaginaire politique prônant l'art de vivre ensemble. Ses objectifs sont clairs: trouver un consensus pour atteindre la commune socialité, reterritorialiser et relocaliser, protéger l'environnement et les ressources naturelles puis éradiquer tous les types de chômage. S'appuyant sur des questions d'individuation et des principes légitimes, il est une théorie politique en faveur de la démocratie sans croissance infinie et avec concept de développement écologique sobre fondée sur la conscience de la finitude de nos ressources. La population est invitée à prendre soin de tout ce qu'il y a à aider pour le bien des générations futures.


Apprenant des erreurs qu'on commis le libéralisme, le socialisme, le communisme ou encore l'anarchisme, ce sociologue explique au cours de l'ouvrage que ces mouvements possèdent une anomalie en commun. Il s'agit d'un problème que seule l'anthropologie de Marcel Mauss avait pu révéler au cours du XXème siècle. C'est l'essence de l'humanité basée sur la rareté matérielle dans l'objectif d'améliorer la condition sociale et économique de l'homo œconomicus qui est voulu par chacun de ces idéaux politiques. L'homme désire une satisfaction infinie amenant au final à l'hubris, c'est-à-dire à la démesure. D'ailleurs, selon l'auteur, le monde serait arrivé à cause du libéralisme actuel à un stade inédit appelé le monde post-néolibéral (par une croissance du PIB stagnante). Il est évident de souligner que le convivialisme bannit ce dernier issu de la révolution industrielle induisant la croissance économique jusqu'à la destruction des ressources naturelles. La stagnation du PIB des BRICS, qui sont pourtant des pays émergents, et la récente crise financière de 2008 n'en sont que des illustrations. A partir de là, on peut comprendre pourquoi l'auteur demande à ce que chaque citoyen développe une morale civique universalisable pour obtenir des solutions d'équilibre face à cette démesure économique du système libéral.



Pour répondre à ces objectifs primordiaux et aux problèmes actuels, Alain Caillé estime qu'il faut inciter les personnes qui le peuvent financièrement à servir comme complément d'aide de l'Etat afin de rendre davantage service pour ceux qui en ont besoin. Le don sans retour apparaît comme la clé dans l'optique d'effectuer cette tâche. Toutes les dispositions nécessaires se retrouvent dans ce qu'il nomme l'économie associationniste. Celle-ci regroupe l'économie solidaire avec les subventions publiques, l'économie sociale avec les coopératives entre salariés et l'économie du partage en donnant la priorité à la location et non à la propriété. Ensuite, il insiste sur la nécessité de trouver les moyens après de longues recherches d'établir un revenu minimum et un revenu maximum. Pour se faire, plusieurs démarches sont à effectuer même si les plus importantes sont les suivantes: supprimer les retraites chapeaux et les hauts revenus par stock options dans les banques car ceux sont eux avec les grands dirigeants d'entreprise et les héritiers fortunés qui sont "les 1% qui possèdent la quasi totalité des richesses". Pour le moment, l'écrivain souligne que la réduction de salaire des directeurs et des actionnaires au profit de ceux des salariés reste dans l'esprit convivialiste. Enfin, c'est au niveau de l'individu que des modifications doivent se faire. Par des valeurs pluriversalistes, qui incitent à une individuation pour mieux vivre en communauté grâce à des valeurs universelles sous différentes manières de formulation, Alain Caillé soumet l'hypothèse que l'homme s'écarterait du modèle de l'homo œconomicus et prendrait celui d'un individu en quête de reconnaissance. Économiquement et écologiquement, on obtiendrait un modèle prospère sans croissance respectueux de l'environnement, le contraire du modèle actuel.




Néanmoins, comme le cite l'auteur, les mesures convivialistes n'ont jamais été appliquées concrètement. Il semble même que sa vision messianique basée sur l'éradication de la misère, de la corruption dans les marchés financiers et des écarts de richesse excessifs ne soit pas pris au sérieux par l'ensemble de la classe politique actuelle et de la population. Cela est dû à une absence de remise en question des présupposés et des finalités du modèle économique actuel de la part de chacun d'entre nous. L'homme, se plaignant des inégalités, est pourtant attiré par les challenges du capitalisme et serait satisfait d'être au-dessus des autres. Au final, l'auteur juge que cet idéal politique ne pourra pas persévérer tant que l'homme n'aura pas les passions indispensables afin de se lancer dans cette quête du vivre ensemble.